Marie Sellier : « Le statut auquel je crois c’est celui d’écrivain »
19/03/2019
La SGDL lance en partenariat avec le ministère de la Culture un prix de la traduction. L’annonce en a été faite le vendredi 15 mars par Franck Riester. L’occasion pour BookSquad de rencontrer Marie Sellier, présidente de la Société des Gens de Lettres (SGDL) depuis 2014 et jusqu'au mois de juin prochain.
BS : Journaliste, autrice, présidente de la Charte en 2010, puis du CPE et de la SGDL, comment entre-t-on dans le militantisme ?
M.S. : C’est vrai que je cumule les postes ! Tout est tricoté ensemble depuis le début [rire]. Au départ journaliste, je gagnais ma vie avec ma plume. J’avais le droit aux congés payés, des horaires plus ou moins encadrés, puis je suis devenue autrice. À ce moment là, je suis arrivée en zone de grand flou, avec notamment un relevé de compte par an, payée quand c’était possible, des montants invérifiables, des promesses de contrats pas tenues. J’étais indignée !
Être autrice, c’est un métier qui s’organise autour du risque : on passe du temps à écrire un livre, puis il y a l’épreuve du lectorat. C’est bien d’assumer ce risque, pour moi c’est la part artistique. Ce n’est pourtant pas une raison d’être tout risque, comme une assurance. Or, quand on est auteur, on peut basculer dans des zones de non-droit, avec un système qui reste ancré dans le XIXème siècle. C’est difficile de faire entendre sa voix, car économiquement nous ne générons des emplois que de manière indirecte.
Le militantisme ? Comme on n'y arrive pas individuellement, il faut passer par le collectif. Je pense que c’est essentiel que les auteurs soient unis, il existe le CPE pour ce faire, mais il ne faut pas oublier que si nous ne sommes pas parfaitement unis nous n’arriverons à rien.
BS : Des présidences qui s’emboîtent et un rôle permanent de représentante pour la profession : comment avez-vous accompagné les récentes avancées ?
M.S. : Je suis « une femme du faire », c’est plus simple « de faire », quand on est présidente, et qu’on a des contacts avec toutes les entités de la profession.
Dans le cadre du CPE, nous avons pu intervenir sur le code de la propriété intellectuelle sur le numérique et le papier, pour faciliter la récupération des droits d’auteur. Nous avons réussi à mettre en place des garde-fous, mais nous n’avons pas réussi à faire bouger les lignes pour les auteurs jeunesse : ils sont toujours payés beaucoup moins que les autres, et cela concerne surtout les femmes qui sont majoritaires. Il n’y a pas de raisons objectives à cette différence de rémunération, ça a toujours été ainsi. Il y a une véritable inertie de la profession, et pour faire bouger les lignes, il faut une énergie diabolique, et du temps.
Depuis plusieurs années, la SGDL est porteuse de projets dans le domaine des revenus accessoires et milite pour que les auteurs soient payés dans les festivals et les salons. C'est désormais chose faite grâce au soutien de la SOFIA et du Centre national du livre (CNL). Prochaine étape ? Les librairies.
Après quatre ans de négociations et une grande mobilisation, nous avons abouti en 2014 à un contrat d’édition à l’ère du numérique. Très active au sein du CPE, la SGDL s'est impliquée dans le dialogue avec les éditeurs pour aborder certains sujets, comme par exemple la provision sur retour que nous avons limité dans le temps, alors que chez certains éditeurs, elle était éternelle.
Enfin, grâce aux États Généraux lancés l’année dernière sur les réformes sociales, nous avons obtenu pour 2020 une compensation de la CSG sous forme d'abattement sur la cotisation retraite.
BS : Votre mandat à la présidence de la Société des Gens de Lettres prendra fin en juin prochain. Comment résumer le mandat de cette troisième femme présidente ?
M.S. : Avec Carole Zalberg -qui en est la secrétaire générale - et moi-même, le comité de la SGDL s'est féminisé. Aujourd'hui nous sommes à parité, ce qui était loin d'être le cas lorsque nous sommes arrivées.
À la SGDL il y a eu un grand travail de simplification qui a été mené, et d’ouverture aux jeunes auteurs. Avec Carole, nous avons décider d’ouvrir toutes les grandes portes, les fenêtres pour faire venir les auteurs. Et ça marche !
Nous avons fait refaire les statuts qui existaient comme tel depuis longtemps, pas exactement depuis 180 ans mais pas loin, et dont les modifications s’étaient faites par empilement : on ajoutait mais on enlevait pas grand chose. Tout ça a été mis à plat. Il a fallu également s'occuper de la pérennisation de notre présence à l’hôtel de Massa, notre bail arrive à expiration en 2027. C'est aujourd'hui en très bonne voie. Nous sommes en passe de signer une convention de gestion pour rester encore quelques décennies, ce qui nous permettra d'engager les nécessaires travaux de réfection du bâtiment.
BS : Quel bilan tirez-vous ? Que prévoyez-vous pour la suite ?
M.S. : C’est une maison qui va très bien, saine et joyeuse, avec une équipe qui réalise un travail formidable. Nous travaillons activement à la passation et je suis fière de passer un tel témoin. Nous avons une candidature très solide sur laquelle le Conseil se prononcera fin juin.
Me concernant, je ne fuis pas, je reste au Comité, mais je vais pouvoir alléger un peu mon agenda. Le statut auquel je crois, c’est celui d’écrivain, beaucoup plus qu’à celui de représentante.
BS : Un nouveau prix de la traduction a été annoncé par Franck Riester vendredi soir : pouvez-vous m’en dire plus ?
M.S. : À l’origine, c’est une annonce faite par Emmanuel Macron en octobre 2017 lors de la Foire du livre de Francfort, alors que la France était pays invité d’honneur.
Le jury qui sera, j’insiste, indépendant du ministère, comptera des traducteurs professionnels de l’ATLAS et de l’ATLF (associations de traducteurs). Il faut savoir que nous représentons beaucoup de traducteurs à la SGDL, et nous avons déjà un prix de traduction. Il ne s’agit pas pour nous de nous désengager.
Le prix qui s’appellera « prix SGDL/Ministère de la Culture récompensera l’ensemble de l’œuvre d’un traducteur et sera doté de 15 000 euros. Cet apport de l’État va nous permettre de mieux doter le « prix pour l’œuvre » qui sera ainsi revalorisé à hauteur du prix de traduction.
Les modalités de mise en place du prix ne sont pas encore définies. Il y aura possiblement une remise de prix en différé, mais je tiens à ce que le lauréat soit présent le soir de la remise des autres prix de la SGDL. Il serait dommage qu'il ne profite pas aussi de cette soirée.
Propos recueillis par Angèle Boutin
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3 commentaires sur “Marie Sellier : « Le statut auquel je crois c’est celui d’écrivain »”
Tant que la SGDL considere les auto-édités comme inexistants et indignes d’être appelés écrivains, toutes ses péripéties ne m’intéressent pas, tout comme elle ne s’intéressé pas à eux.