Le prix Renaudot crée des remous
14/09/2018
Le 4 septembre dernier, la dernière sélection du prestigieux prix littéraire a comporté un livre autoédité sur Amazon. Déclenchant l’ire des libraires.
Bande de Français de Marco Koskas fait partie de la sélection du prix Renaudot. Ce roman a été publié sur la plateforme Createspace d’Amazon. Sortie le 27 avril et vendu à 9,97€, le livre mentionne tout de même un éditeur fictif Galligrassud (soit la contraction de Gallimard, Grasset et Actes Sud) en quatrième de couverture. Cet éditeur a par ailleurs été mentionné dans le communiqué du prix Renaudot — et non pas Amazon.
Un fait pas vraiment inédit
Juré du prix Renaudot et à l’initiative de cette sélection, Patrick Besson explique dans Le Point : « Cela fait des décennies que des livres sont auto-publiés ou publiés à compte d’auteur. Prenez Proust. Du côté de chez Swann a été publié chez Grasset en 1913 à compte d’auteur. Quel agriculteur donnerait son champ à labourer contre un pourcentage de 10 % ? C’est normal que certains auteurs ne soient pas satisfaits des conditions économiques et se rebellent contre les éditeurs. Moi ce qui m’intéresse, c’est le texte, je me fiche du reste. »
Ce n’est par ailleurs pas la première fois qu’un livre auto-édité figure dans la présélection du Prix Renaudot : avant Marco Koskas, Marc-Edouard Nabe avait été sélectionné avec L’homme qui arrêta d’écrire en 2010.
Des libraires en colère
Si cette sélection du prix Renaudot est passée inaperçue côté éditeurs, elle fait scandale chez les libraires. Pour le Syndicat de la Librairie française, les jurés du Prix rendent un « bien mauvais service à l'auteur lui-même, aux libraires et donne un signal inquiétant pour l'avenir de la création et de la diffusion du livre ». Le syndicat émet également de nouvelles réserves envers Amazon dans la mesure, estimant que le géant de l’e-commerce « n'est pas un concurrent comme les autres. Il ne veut pas seulement s'imposer comme un acteur important du marché du livre, il veut devenir le marché à lui tout seul en éliminant ses concurrents, en organisant une concurrence déloyale, en échappant à l'impôt, en contournant le prix unique du livre et en remplaçant tout à la fois les éditeurs, les distributeurs et les libraires ».
Mais si cette sélection est très critiquée par les libraires, c’est surtout parce que l’ouvrage en exclusivité sur Amazon n’est pas vendu dans les 3 500 librairies françaises. Et la commande du livre est « techniquement et commercialement quasi impossible pour les libraires ». Le Renaudot étant distribué en moyenne à 200 000 exemplaires, le manque à gagner serait flagrant pour la profession.
Vrai scandale ou symptôme de l’évolution d’un secteur, le jury tranchera sans doute sur le fondement de la qualité littéraire du livre.
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