Cécile Palusinski : « Les formats dématérialisés sont de plus en plus utilisés en France »
29/04/2019
Entretien avec Cécile Palusinski, présidente de l’association La Plume de Paon, qui fête ses 10 ans cette année.
Booksquad : Vous êtes la présidente de l’association La Plume de Paon, qui fête son dixième anniversaire cette année, pourriez-vous expliquer à nos lecteurs son concept, ses objectifs et comment elle s’est créée ?
Cécile Palusinski : La Plume de Paon a été créée en 2009, à Strasbourg, où sont encore nos locaux. Elle est née de l’intérêt que je portais avec les deux autres co-fondateurs, Marie-Françoise Coelho et Luis Coelho, pour le livre audio. Nous avions remarqué l’intérêt qui lui était porté de l’autre côté de la frontière, en Allemagne, alors qu’il n’était que peu connu en France. De là, nous avons monté La Plume et commencé nos actions, afin de faire connaître davantage le livre audio en France. Nous avons lancé le Grand Prix du livre audio, en 2010, mais aussi le Prix des Lycéens. Ces derniers, issus des lycées alsaciens, se concertent autour de la lecture de cinq livres audio. Ils sont invités aussi à débattre avec les « voix » et parfois les auteurs. Nous avons aussi pour objectif de promouvoir les usages pédagogiques du livre audio. Il représente une réelle alternative aux élèves les moins enclins à la lecture. C’est pourquoi nous organisons aussi des ateliers de lecture à haute voix dans les écoles, et l’intégration de l’usage du livre audio dans des classes de FLE (NDLR : apprentissage du français aux étrangers).
BS : Cette activité de présidente est bénévole, comment s’imbrique-t-elle avec votre fonction de présidente de l’agence Numered (agence de conseil et de formation pour les professionnels du milieu culturel confrontés à la mutation numérique) ?
C.P. : Effectivement j’ai cette double casquette. Mon activité au sein de La Plume de Paon est bénévole. Numered est mon métier, l’agence est ma source de revenus. Je dirais que l’association occupe 25% de mon temps, sachant que la période entre mi-mars et mi-mai est très intense pour la Plume de Paon, notamment avec le Festival du livre audio. Numered me permet aussi de voyager et d’arborer ma double casquette, je peux voir ainsi comment se porte et se développe le marché du livre audio à l’étranger.
BS : Quel bilan tirez-vous des dix années d’existence de la structure ?
C.P. : Pour parler du côté positif, nous avons pu remarquer l’intérêt croissant que le public porte pour le livre audio, un intérêt plus prononcé depuis ces deux dernières années. Le livre audio est aussi mieux représenté, notamment grâce à l’instauration d’une commission audio au SNE, le secteur est aussi plus structuré qu’à ses débuts et le public commence également à changer ses modes de lectures.
BS : En dix ans d’aventure avec la Plume de Paon pour le développement du format audio sur le marché français, quelles évolutions avez-vous rencontrées ? Aussi bien sur le marché français qu’international ?
C.P. : En France, les formats dématérialisés sont de plus en plus utilisés. Il y a davantage de demandes en format numérique. Les éditeurs avec qui nous travaillons l’ont bien remarqué. D’un autre côté, le CD est progressivement mis de côté, ce qui demande aux éditeurs et distributeurs une remise en question du format. Lors d’un récent voyage en Asie avec Numered, j’ai pu constater que le livre dématérialisé était bien plus attractif pour les lecteurs que sa version CD. Je pense qu’on peut parler d’une disparition progressive du livre audio CD à laquelle il est nécessaire de remédier. Avec les professionnels avec lesquels je travaille, nous songeons à repenser le format du livre audio sur CD, avec la création de QR code qui permettront aussi à l’auditeur d’avoir accès à une copie numérique, plus pratique et plus transportable. Les nouveaux appareils ne permettent plus pour la plupart d’écouter un CD. La création de QR code rendrait les livres audio distribués sous format CD plus attractifs.
BS : Les éditeurs et plateformes de distribution comme Audiolib, Gallimard, Audible ou Kobo ont le vent en poupe et l’intérêt que les Français portent aux formats numériques ne cesse d’accroître. Quelles initiatives en faveur du livre audio aimeriez-vous voir en France ?
C.P. : J’aimerais voir d’autres alternatives se développer, peut-être à une échelle plus locale ou nationale. C’est ce que pourrait représenter l’audio librairie « Book d’oreilles ». Elle propose les catalogues de tous les éditeurs français, avec pour approche de mettre en valeur la francophonie. Elle est déjà soutenue par le Centre national du livre (CNL), et oeuvre dans un souci de rémunérer justement les éditeurs. Je pense qu’elle pourrait constituer une véritable alternative aux plateformes internationales pour les lecteurs français. La Plume de Paon souhaiterait aussi voir se développer la formation des bibliothèques à l’utilisation et à la promotion du livre audio.
BS : Le festival du livre audio a lieu dans moins d’un mois, à Strasbourg, comment l’avez-vous mis en place ? L’association sera-t-elle présente lors du salon du livre audio « Vox » à Montreuil du 11 au 16 juin prochain ?
C.P. : C’est La Plume de Paon qui organise le Festival du livre audio. Nous l’avons lancé en 2010. Le festival s’organise autour d’une série de tables rondes, de conférences et de rencontres entre professionnels du livres et lecteurs, mais aussi inter-professionnelles (NDLR : le programme est à retrouver sur leur site). Le grand Prix du Livre audio sera remis le 13 juin au CNL, la Plume d’or, qui existe depuis 2013, sera, quant à elle, remise durant le salon « Vox », le 14 juin. Le Prix des Lycéens sera décerné le 16 mai. Nous serons aussi présents au salon du livre audio « Vox » à Montreuil en tant que membre invité. L’organisation du festival a été mise en place par une association d’éditeurs faisant partie de la commission du livre audio du SNE.
BS : Pensez-vous élargir les intérêts de l’association au podcast, ou aux séries audio ? Mais encore, au livre numérique de manière plus générale ?
C.P. : Je ne pense pas que nous élargirons notre intérêt aux ebooks, car il existe déjà de nombreuses plateformes qui le mettent en avant. Mais le podcast est effectivement un format sur lequel nous pourrions nous pencher. On voit qu’aujourd’hui des passerelles se forment entre livre audio et podcast. Le développement du format court, la création d’émissions littéraires ou de séries littéraires sont des genres qui peuvent tout à fait intéresser La Plume de Paon. On tend indéniablement vers un croisement entre livre et podcast.
BS : Quelles sont vos ambitions pour l’association ? Si vous deviez vous projeter dans dix ans : quels seraient vos espoirs, vos attentes ?
C.P. : Dès septembre, nous étendrons notre Prix des Lycées à plusieurs académies. Jusqu’ici, l’organisation du prix se faisait localement. Nous avons étendu la portée du Prix en invitant des élèves de lycées d’autres académies à se concerter sur la lecture des livres audio qui seront en lice pour la prochaine édition. Comme je le disais précédemment, nous souhaiterions aussi développer avec les bibliothèques un système de formation au livre audio et de rencontres entre auditeurs, les auteurs et les « voix ». Nous aimerions réellement travailler à la mise en valeur de l’aspect pédagogique du livre, notamment dans les bibliothèques et les écoles, qui pourraient faire la promotion du livre audio comme partenaire d’apprentissage. Nous avons déjà commencé à proposer son usage dans des classes de FLE, en partenariat avec l’Alliance française de Strasbourg et Gallimard, mais aussi dans des cours d’apprentissage de langues étrangères. La Plume de Paon a aussi dans l’idée de développer l’année prochaine des rencontres francophones, d’organiser des tables rondes, d’échanger des idées sur le développement du marché du livre audio avec d’autres pays francophones, notamment d’Afrique. Je crois que ce projet pourrait déjà nous occuper pour les cinq ou six prochaines années à venir.
Propos recueillis par Lucile Payeton pour BookSquad
TEMPS DE LECTURE: 5 minutes
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