Brésil : le secteur de la librairie en sursis après une vague de fermetures
12/12/2018
La récession et la hausse des prix rendent exsangue le marché du livre brésilien. Face à cette situation désastreuse pour les différents acteurs du secteur, Luiz Schwarcz, éditeur, en appelle aux lecteurs afin de les encourager à acheter des livres pour Noël.
Le co-fondateur de la maison d’édition Companhia das Letras, Luiz Schwarcz, dénonce dans sa « Lettre d’amour aux livres » l’ampleur des difficultés. « Il est impossible de prédire l’ampleur des répercussions de cette crise, mais elles sont néanmoins terrifiantes. Ici, de nombreuses villes vont être laissées sans librairie, et les éditeurs sont désormais confrontés au défi de faire parvenir leurs livres aux lecteurs, tout en devant faire face à des pertes accumulées significatives » s’alarme le lauréat d’un prix pour l’ensemble de ses réalisations à la Foire du livre de Londres 2017.
«Des dizaines de magasins ont été fermés, des centaines de libraires ont été licenciés et les revenus des éditeurs ont été réduits de 40% ou plus, laissant un trou énorme qui menace d’engloutir le marché de l’édition au Brésil » ajoute Luiz Schwarcz. L’éditeur précise qu’il a lui-même dû licencié six employés lors du rachat de sa maison d’édition par Penguin Random House en novembre dernier. Il appelle les autres éditeurs à se joindre à lui afin de de trouver des « solutions créatives et idéalistes » pour inverser la tendance.
Cette lettre veut aussi sensibiliser les lecteurs aux répercussions de cette crise pour les inciter à soutenir les différents acteurs du livre. « Pour ceux d'entre vous qui, comme moi, nourrissent l'amour du livre comme raison d'être, je vous demande de diffuser cet appel et d'inciter les autres à acheter des livres en cette période des fêtes », exhorte Luiz Scgwarcz. « Achetez-les dans les librairies qui surmontent héroïquement cette crise et honorent leurs engagements, mais aussi dans celles qui ont connu une période difficile et qui ont besoin de notre aide pour s'en sortir. Surtout, faites la promotion des livres des petites maisons d'édition qui doivent vendre aujourd'hui pour continuer à exister demain. »
Le Brésil souffre actuellement de l’une des pires récessions de son histoire. L’élection du populiste d’extrême droite Jair Bolsonaro à la présidence du pays le 28 octobre dernier contribue à alimenter les craintes des industries culturelle du pays. En novembre dernier, la chaîne de livres Saraiva se déclarait en faillite, après avoir annoncé la fermeture de 20 magasins, tandis que la chaîne rivale Cultura déposait un plan de réorganisation pour éviter la faillite.
Stefan Tobler, éditeur d’origine brésilienne chez la maison d’édition britannique And Other Stories, interrogé par The Guardian, confirme : «Je suis très triste de ce qui se passe au Brésil ces temps-ci. Cela a été d'autant plus difficile qu'il y a cinq ans, on avait l'impression que le Brésil avait pris un tournant. Des millions de personnes quittaient la pauvreté. » ,souligne-t-il. Mais « la manière dont les Brésiliens ont adopté la lettre d'amour de Luiz Schwarcz aux livres montre une volonté collective de prendre un nouveau tournant » se réjouit-il. En effet, réaction à cette lettre, le hashtag #DêLivrosDePresente (le cadeau de livre) est devenu viral sur les réseaux sociaux.
Cet appel de Luiz Scwharcz ne fait cependant pas l’unanimité. L’éditeur Martins Fontes estime notamment que l’industrie du livre brésilienne se porte bien dans son ensemble, au contraire des grands groupe dont le modèle économique est remis en question. L’appel de Luiz Schwarcz, lancé sur le blog de la Companhia, s’apparentant dès lors un coup de communication brillant.
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